Tour de Corse 2014

Compte-Rendu du Tour de Corse Historique 2014 de l’équipage Frank Servais – Martine Rick-Place, Porsche 911 RS 2.7 1973, Groupe 3 (GT27, période H1)

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A peine 2 mois après notre violente sortie de route lors du rallye de la Drôme, c’est avec une certaine appréhension que je retrouvais le volant de ma mémé, sortant de l’atelier d’André Caruso, qui a relevé le défi, avec son carrossier de confiance, de redresser, ressouder, reformer, réajuster tout ce qui avait bougé lors de ce monstre choc. Mise sur le marbre, la géométrie n’aura jamais été aussi parfaite, et pendant tout le rallye, nous avons pu, pour la première fois, compter sur une excellente tenue de route, une exploitation optimale de nos excellents pneus Michelin TB5.

Depuis notre arrivée à Porto-Vecchio, la tension monte, imperturbablement. Bien installés à notre hôtel, ainsi que le team Caruso, les derniers préparatifs se limitent à coller des autocollants de nos sponsors, et à nous coordonner avec les frères Barthe, avec qui nous partagerons non seulement l’assistance mais également la plupart des repas, conviviaux et fort sympathiques.

396B4--0119Martine et moi partons avec la mémé en direction des vérifications administratives et techniques, et tout de suite, je remarque que la mémé ne tourne pas rond. Il manque un cylindre, ou plutôt un des cylindres semble avoir un problème d’allumage. Mon assistance n’a rien remarqué et trouvent que la mémé pousse normalement, alors que ma tension est montée en zone rouge. Nous rebroussons chemin vers notre assistance à notre hôtel, et nos mécanos se précipitent. Olivier remarque un arc électrique sur un fil de bougie, sans doute un défaut d’un des câbles HT. En le faisant passer ailleurs et en l’isolant avec de la toile, la mémé retrouve tous ses petits, et ma tension retrouve sa normale. Ouffffffff.

André Caruso est affairé et stressé par ses 2 clients en location, Jean-Claude Torre, un gentil homme Corse, avec qui nous sympathiserons au gré des jours, mais principalement Jean-Claude Andruet, pour qui le Tour de Corse sera source d’insatisfaction et de frustration.

Ce rallye est aussi une occasion unique de revoir tous nos amis, tant du MBHR, de l’ASA Mont des Princes, ou simplement des équipages avec lesquels nous avons sympathisé. Nous retrouvons alors nos amis de bataille, Luc Lagier (copiloté par Jean-Charles Foster), Yvan Mirand (copiloté par Paul Salini), Jean-Marc Thome (copiloté par Philippe Tripier), qui nous permet de nous régler et de comparer nos performances réciproques, le plus souvent dans un mouchoir de poche. Luc est particulièrement performant, aiguisé par ses nombreuses participations en rallye cette saison, et un surprenant Yvan Mirand, qui par le passé était le plus souvent proche derrière nous, et cette fois, un coup oui, un coup non, plutôt plus rapide que nous.

396B1--0056Etape 1

Les 2 premières spéciales se passent plutôt bien, juste dans la première, la première difficulté (un gauche sur bosse), me surprenant complètement et nécessitant une correction importante pour ne pas partir à la faute.   Nous avions gradué les différents ralentisseurs que nous trouverions sur le rallye, assez nombreux cette fois, et au fil des spéciales, nous avons réalisé que nous aurions pu les passer, comme nos adversaires, beaucoup plus fort, soit « à fond ».. Manuel Pereira, mon préparateur genevois des 6 dernières années, insistait pour que je passe les ralentisseurs au ralenti, pour ne pas démolir la mémé, et il m’a appris le respect de ma voiture. Il est vrai que les suspensions Reiger, adoptées depuis peu, se montrent sans comparaison avec les Bilstein d’origine, et permettent de franchir tous les obstacles sans presque les sentir (Merci à Alp Racing pour les suspensions et les conseils).

Avant le départ, juste pour me mettre la pression, j’ai pris la mauvaise habitude de passer au surligneur, la liste des engagés, en marquant ceux, que je sais plus rapides que moi. Et bien, cette année, c’est plus de 40 équipages que je jugeais imbattables. En effet, la mémé est la seule Porsche inscrite en Groupe 3, voiture proche de l’origine (exceptionnelle de Porsche, il est vrai), et sur les 68 Porsche de la liste, presque toutes, sont sur le papier plus performantes. En groupe 4, elles ont des moteurs plus puissants, des voies beaucoup plus larges, des freins plus gros, un frein à main hydraulique, des suspensions plus performantes, etc.

396B3--0115C’est donc relativement satisfaits que nous regagnons notre base de Porto Vecchio, après les 2 premières spéciales du mardi, le ventre enfin dénoué, et en ayant réalisé les 35ème   temps (près de 5 secondes au km plus lents que les premiers), et 23ème temps (27ème au général après la première étape).

L’assistance de 3 heures, n’aura que des contrôles de routine, ainsi que notre trip qui ne fonctionne pas, la sonde étant mal réglée après la Drôme).

2ème étape

C’est donc dans de très bonnes dispositions, que Martine et moi entamons la 2ème étape, avec une magnifique 1ère épreuve longue de Bavella – Kamiesh, longue à souhait (23 km), et presque complètement en descente. Un 25 ème temps à la clé.

396C3--0038Nous attendons de trouver notre assistance pour nous décasquer, mais nous ne les trouvons pas dans les premiers kilomètres suivant la sortie de la spéciale. Nous apprendrons par la suite, que la voiture d’Andruet, connaissant des problèmes, nécessitait de revoir le plan d’assistance. Juste après avoir rejoint notre assistance rapide (Julien et le Macan), et nous impatientant au chaud dans nos casques, et sans avoir bu, nous nous arrêtons sur le bord de la route. Dès que nous repartons, je sens que nous avons un bruit / vibration bizarre sur l’arrière gauche. Nous nous arrêtons et voyons que notre pneu est déchiré. Nous changeons rapidement de roue, grâce à Julien qui nous a finalement rejoint avec un pneu neuf et du carburant, et c’est un peu stressés que nous poursuivons cette 2ème journée, par une des plus longues et magnifique spéciales, Ghisoni – Sorba, 24 km. Un superbe 18ème temps nous mets en pleine confiance, puis 22ème et 19 ème temps pour les dernières spéciales de cette 2ème journée nous amenant à Ajaccio. 21ème au général, le top 20 est proche.

Toujours RAS pour l’assistance hormis le trip qui fait de la résistance, et les pneus arrières, un peu dégradés, nous décidons de partir avec des gommes neuves, juste à l’arrière.

3ème étape

3ème journée avec le 28ème, puis 13ème temps un peu surprenant dans la spéciale nous amenant d’Arro à Vico. Nous suspectons tout d’abord une erreur de chronométrage, mais la vérification par la direction de course, le soir de la 3ème étape, confirme notre excellent temps.

396D2b-0020Puis 15ème temps en ES9 pour la mi-rallye, et 11ème temps pour l’ES10 Paomia-Cargese nous confirme notre bonne prestation d’ensemble, avec une incroyable 14ème place au classement général en fin de 3ème étape.

Pendant toute cette première partie de rallye, la mémé a tourné comme une horloge, tenue de route parfaite, suspensions très rassurantes (et confortables), et notre accord avec Martine devient de plus en plus performant. Que c’est merveilleux que de rouler aux notes, tombant à pic, et permettant d’aborder toutes difficultés en pleine connaissance de cause. Pas un secteur sale n’a échappé à nos notes et la relecture de Martine, pas un piège.

4ème étape

396C3--0207La première spéciale au départ de Porto (Porto – Marignana) sur une chaussée froide, assez tôt le matin, et après une très courte liaison, est de celles que je n’affectionne pas trop. Mon copilote de l’époque, (Il Ribellu), me disait que si nous partions au trou, il y avait un vide de 600 mètres. Un 24ème temps me satisfait pleinement. N’oublions pas, que grâce au super rallye (les concurrents ayant connue des problèmes et n’ayant pu disputer ou terminer une ou plusieurs spéciales), plusieurs concurrents notoirement plus rapides font des temps plus rapides que nous, tout en étant dans le fond du classement.

Suivi par un bon 15ème puis 14ème temps, nous abordons la spéciale que je préfère sans-doute, Notre Dame de la Serra, qui restera dans ma mémoire, lorsque luttant pour la 4ème place il y a quelques années avec Jean-Pierre Manzagol, le grand champion local Corse, celui-ci, nous ayant « collé » près de 2 minutes, profitant de problèmes de sélection de vitesses dès la mi spéciale.

Et bien c’est avec un excellent 14ème temps scratch, en progrès de plus de 30 secondes sur notre temps de l’an passé (88.9 km/h de moyenne) , que nous arriverons à l’Ile Rousse, plus que satisfaits, en 12ème place au général.

396D1--00975ème et dernière étape

Plus que 4 spéciales avant la délivrance, o plus que 4 possibilités de grignoter une ou plusieurs places pour espérer l’inespérable, rentrer dans le top 10 !

La première spéciale se montre très piégeuse, la route détrempée par la rosée par endroits, devient extrêmement glissante, et nos amis Barthe partent à la faute, mais peuvent, en abandonnant le pare-chocs arrière et en changeant de roue, un peu de scotch et de quelques coups de marteau plus tard, repartir. Nous n’avons pas eu le bon réflexe de les prévenir dès notre arrivée en fin d’ES, zut.

Les Tomé nous prennent plus d’une minute et nous passent devant. Ils ont pris tous les 16 ralentisseurs, à fond, alors que nous avons soulagé ou pris en 1ère vitesse pour les plus durs, voilà comment on perd une place par trop de prudence. Mais dans la spéciale suivante, également piégeuse, leur boite casse et ils doivent abandonner. Peut-être que ménager la mécanique et la monture ont du bon quelque-part ?

Plus que 2 spéciales, et dans la 3ème du jour, nous voyons les Beringuer dans le fossé à gauche. Ils se livraient avec Vaison une guerre de tous les instants, à moins de 3 secondes l’un de l’autre juste 2 épreuves avant la fin, d’où une prise de risques maximale.

396D1--0099Un dernier regroupement à Solenzara, et nous repartons pour une courte liaison et 9 km de spéciale. Sans nous concerter, nous étions, et Martine et moi tendus, et dès le départ du regroupement, la mémé ratatouille anormalement. Les mêmes problèmes d’allumage qu’avant le départ ? Je ne dis rien, et soulage. Puis Martine m’annonce trop tard le changement de direction et nous devons rebrousser chemin, et tout d’un coup, nous sommes « à la bourre » en liaison. Martine sort en 4ème vitesse de la voiture, me jette mon casque et Hans, part avec le sien. Bizarre, je n’arrive pas à l’enfile. Elle revient en se sentant à l’aise dans le sien, elle avait, sous le stress, confondu nos casques. Vite nous changeons, et prenons le départ juste…

Pendant cette dernière spéciale, à l’écoute de tout, nerveux au possible, les notes ne tombent plus bien, mais bon, 9km plus tard nous passons avec bonheur la ligne d’arrivée de cette 18ème spéciale avec le 15ème temps (les autres devaient être dans le même état que nous), et une fabuleuse 9ème place au classement général scratch. 2ème de notre période H1, et surtout 5ème Porsche.

Dans le routier, nos équipe d’assistance nous arrête et ils me donnent une bière Pietra bien fraiche, un extraordinaire moment de détente, sirotées pendant les quelques kilomètres nous séparant de Porto-Vecchio et la fin de ce magnifique rallye.

Une frustration lors des festivités de clôture, une simple montée de toutes les voitures, dans l’ordre inverse de leur classement, panne de micro du speaker, et une médaille en guise de Coupe (que j’avais promise à mon fils Nicolaï). A ce sujet, j’aimerais remercier chaleureusement Marie-France Agostinetti, qui a pris sur elle de faire faire une coupe spécialement pour Nicolaï, et de me l’envoyer par poste. Nicolaï l’a immédiatement mise dans sa chambre, avec ses objets de valeurs !

Remerciements :039P (2)

– à ma copilote, Martine Rick-Place

Le rallye ne serait pas ce qu’il est sans la fantastique collaboration entre le copilote et le pilote. Martine Rick-Place et moi courrons ensemble depuis 6 rallyes, et à chaque fois, le duo fonctionne encore mieux. Le système de notes que j’utilise, soit celui d’Yves Loubet (rapports de boite), au début, ne parlait pas à Martine. Et elle devait regarder très fréquemment la route pour confirmer ce qu’elle lisait, ce qui nécessite une adaptation de la vue à chaque fois, de repositionner l’attention sur la note en cours. Un énorme progrès a été accompli depuis le Rallye du Maroc, et Martine ne regarde presque plus devant et sort la note selon le ressenti dans le baquet, comme la grande professionnelle qu’elle est. Ceci a pour conséquence que les notes sont de plus en plus dans le rythme, ce qui est très compliqué. Le rythme dépend de la faculté de concentration du pilote, et à sa capacité à anticiper ce qu’il voit, en intégrant un ou plusieurs virages d’avance dans sa réflexion. Ce n’est pas mon fort, et Marine s’est maintenant adaptée à merveille à son pilote. Concrètement, c’est freiner plus tard, moins lever le pied inutilement, et mieux placer la voiture, et donc gagner des dixièmes de secondes au kilomètre.

– à mon préparateur et patron de l’équipe d’assistance, André Caruso

Notre équipe d’assistance CARUSO, partageant leurs efforts entre 4 voitures et équipages, dans une bonne humeur communicative, ont permis à 3 des 4 voitures d’aller au bout, et de figurer dans des places d’honneur. Sans eux, il n’y aurait aucune chance de faire ce que nous avons fait. Merci Oliver, Julien, Eric…

– à Manuel Pereira, le préparateur de la voiture

Sans Manu, le niveau de perfection de la mémé ne serait de loin pas aussi élevé. Mécanicien de génie, alliant connaissances et souci permanent de la perfection, jamais entièrement satisfait alors que la voiture est simplement géniale. Toutes ses qualités ont entrainé une réputation croissante, et il a choisi d’accepter de devenir responsable d’une flotte de véhicules d’exception pour un richissime collectionneur. Salarié, Manu a, à contre cœur, tourné la page, et renoncé à continuer la préparation de la mémé.

– à l’organisation : à Yves Loubet, José Andréani, Marie-France Agostinetti et toute la fantastique équipe de bénévoles, aides, commissaires qui font que les 2 épreuves qu’ils organisent, le Tour de Corse et le Rallye du Maroc Historique, sont des épreuves mythiques, sans qui, le rallye Historique actuel ne serait pas ce qu’il est. Pour moi, voici quelques raisons qui expliquent ce fantastique succès :

Le choix du terrain : la Corse et le Maroc sont des endroits extraordinaires pour organiser des rallyes. Les routes tortueuses pour la Corse, et les pistes en terre sélectionnées avec soin s’y prêtent à merveille.

Rallyes en « ligne », soit un rallye itinérant de 18 spéciales différentes.

Un rythme idéal pour les pratiquants dont l’âge moyen se situe sans doute plus proche de 50-60 ans, que de 20-30 ans, soit le plus souvent 4 spéciales par jour, un départ à une heure acceptable (souvent 8h ou 8h30), et une arrivée au milieu de l’après-midi, permettant de profiter des lieux, souvent extraordinaires, choisis avec soin par les organisateurs.

L’assistance quotidienne, en fin d’étape, de 3 heures (4 heures pour le Maroc), qui permet, à nos voitures, de finir des rallyes si éprouvants, tout en étant remarquablement compétitifs. Je n’ai jamais compris pourquoi en moderne, ils imposent des temps d’assistance ridicules, 10-15-20-30 minutes. Ceci n’est possible que pour des voitures de compétition modernes, ou chaque détail, boulon, fixation, est prévu pour être démonté hyper rapidement par une équipe d’assistance nombreuse, entraînée, et très compétente.

– à tous les photographes professionnels ou amateurs, journalistes, caméramans, qui suivent et couvrent ces rallyes, prenant parfois des risques inconsidérés, et qui font que les souvenirs de ces moments exceptionnels soient conservés.

J’allais oublier l’essentiel, de remercier chaleureusement, mon sponsor, qui est aussi mon entreprise : GIT S.A. à Genève (www.git.ch), dont les collaborateurs si fidèles, motivés et compétents, permettent, grâce à leur travail et leurs idées, de soutenir leur patron dans sa passion pour le sport automobile et le rallye.

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