Victoire de François Padrona : son compte-rendu

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Ainsi pour ce Tour 2013, très pris par mes affaires, et comme d’habitude, je n’avait rien préparé. Surtout qu’il y avait des chances pour que je roule un peu comme un pro (= sans m’occuper de rien) avec l’auto du préparateur anglais de Christophe Jacob qui souhaitait essayer de faire figurer une de ses Escort dans le peloton de tête pour jouer la gagne. Cette Auto devait être une superbe Escort ultra légère de 890 kg équipée d’un moteur BDG 2.0L à injection de 280cv.
Malheureusement, seulement 3 semaines avant le départ du Tour de Corse, Christophe m’appelle pour me dire que le deal que nous avions mis en place avec son préparateur ne pourrait pas se faire pour des raisons financières, et donc qu’il fallait que je trouve une solution avec ma propre voiture.

Pour ceux qui l’ignorent, j’ai en tout 3 Ford Escort :

Une Groupe 1 avec laquelle j’ai gagné le Rallye du Maquis en doublure sous des trombes d’eau; un beau souvenir, car c’était la voiture de mon pauvre père. Avec celle-ci, nous avons fait le dernier Rallye du Maroc et nous étions, avec cette petite auto d’à peine 140cv, aux portes du top 10 ! et oui, avec cette casserole presque d’origine et sans jamais avoir mis les pieds au Maroc, nous étions devant certaines Porsche effrayantes aux allures de WRC rehaussées et sur-vitaminées aux mains de pilotes hyper expérimentés (pffff!!!), de véritables lions du désert …(trouvez l’erreur)… Pour la petite histoire, cette voiture est stationnée dans mon garage à Ajaccio… vous verrez, c’est important pour la suite.

Une Groupe 4, la vraie, qu’on appellera la A, l’ex de Vatanen du Team Monégasque Publimo, l’ex de Charles Alberti qui l’a ensuite vendue à Marie-France Bartoli, mais aussi et surtout, l’ex d’Yves Loubet Tour de Corse 1981. Cette auto, je l’ai achetée il y a environ 7 ou 8 ans à mon ami Christophe Jacob qui l’avait lui-même achetée à Gérald Mancip, qui l’avait achetée à M. Gallo, boucher à Bastia. Cette auto n’a plus couru depuis le Tour de Corse 2008. Elle est stationnée depuis plus de 6 mois en Belgique et est à la vente depuis plusieurs mois. Je ne cache d’ailleurs pas qu’elle est plutôt dans un état collection que dans un état compétition, ce qui veut dire qu’elle n’est pas en état de courir, et encore moins d’être performante, suivant les critères actuels (sièges, extincteurs, harnais périmés), et sans moteur, puisque celui-ci est installé dans l’autre. Retenez aussi qu’elle a l’intérieur du compartiment moteur blanc : ça aussi, c’est important pour la suite.

– L’autre, que l’on appellera la B, c’est une copie de la vraie comme on le fait en historique de compétition, comme 99% des autos qui roulent sur le Tour de Corse. La seule différence avec les autres étant que j’essaie de faire revivre l’histoire en continuant de décorer mes voitures comme elles étaient à l’époque. Je pourrais, comme certains, y apposer le nom de mes sociétés, Leclerc ou, tiens pourquoi pas, Leclerc Telecom (clin d’œil), mais ce ne serait pas très historique et comme je ne fais pas passer ma passion en frais généraux sur le compte de mes sociétés, je peux me le permettre. Celle-ci a le compartiment moteur noir.
Cette voiture a été construite de mes mains et de celles de mon mécanicien Anglais Larry King dans mon garage d’Ajaccio, de façon totalement artisanale et sans grands moyens, à tel point que son poids, à l’époque où nous avons gagné à son volant le Tour de Corse 2010, était de 1’130 kg à vide, alors que les Escort d’aujourd’hui les plus performantes pèsent moins de 900 kg.
Avec cette même auto, nous avions pris le départ du Tour de Corse en 2011. Malheureusement, le moteur n’ayant pas été révisé après la victoire de 2010 et à cause d’une pompe à huile défectueuse, nous avons abandonné après avoir explosé le bloc moteur dans l’ES10. A ce moment, nous occupions la 4ème place au général et toujours à la bagarre avec les meilleurs, à savoir Gache, Andruet et Comas……et là aussi, toujours pas de Porche monstrueuse ou de R5 Turbo sur-boostée dans les parages.
N’ayant pas pu participer au Tour de Corse 2012, cette auto est donc restée pendant 2 ans dans mon garage, à moitié démontée et presque rouillée, le moteur ayant été expédié chez Wilcox en vue de le refaire. A 3 semaines du Tour de Corse 2013, quand j’ai su que je ne roulerai pas avec la fameuse Escort Tarmac Spécial Anglaise, j’ai appelé Willy Collignon de First Motorsport en catastrophe (mon Mécano Anglais Larry King s’étant cassé la jambe) pour lui demander si il pouvait faire quelque chose en vitesse pour remonter mon Escort (la B). C’est ainsi que seulement 20 jours avant le Tour, mon Escort est montée en Belgique pour une révision et pour qu’on y remette un moteur réparé de Wilcox. J’en ai profité pour demander à First d’essayer d’alléger ma voiture et, compte tenu du temps très court, la seule chose qu’ils aient pu faire fut d’installer les vitres en plastique façon voiture moderne (beurk??!??!! mais homologué), trouer la plaque d’aluminium de renfort de pont arrière, remplacer les lames de ressort arrières en fer par des lames en plastique (homologué aussi). Vous verrez plus loin que c’est l’une des raisons de ma victoire, et enfin, retirer le système de chauffage (ohhh??!!! erreur). Voilà les grandes modifications que nous avons pu apporter à l’auto en quelques jours, rien d’extraordinaire je vous l’assure… Et donc, cette Ford continue à peser un poids considérable, bien au-dessus de ce qui se fait de mieux aujourd’hui, mais pire encore, elle a toujours un petit arceau boulonné au lieu d’un gros arceau multi-points soudé, qui permettrait à la caisse d’être bien plus rigide, et donc à l’auto de bien mieux tenir la route et d’être plus précise et réactive.

Non, cette Ford n’a pas des suspensions de Mini WRC (vu son comportement sur les photos et vidéos, ce serait grave pour les WRC), non cette Ford n’a pas un 2,5 litres de cylindrée de 300cv ou des injecteurs camouflés dans de faux carburateurs (j’ai tout entendu, oui vous avez bien compris, même ça !!!), mais un simple BDG 2.0 litre de 249cv exactement (documents banc d’essai Wilcox Engines disponibles pour les Sherlock Holmes en herbe que ça intéresse).

Maintenant que l’inventaire matériel est fait, nous pouvons enfin parler de la course et essayer d’expliquer (car l’être humain est ainsi fait et qu’il veut une explication à tout) comment François Padrona, un Corse pas très connu pour ses victoires en Championnat du monde (ironie) de courses de supermarchés, a-t-il fait pour gagner des rallyes, et qui plus est, à 2 reprises, le fameux Tour de Corse Historique ? Lui qui n’a jamais rien gagné de sa vie…c’est pas possible !! Andruet, c’est normal. Munari, Darniche ou Röhrl, ce serait normal. Mais Padrona, non ce n’est pas possible, qui c’est ce mec ? Alors ça, c’est un truc qui énerve énormément ceux qui, à coups de dollars, essaient de gagner quelque choses depuis 30 ans sans y parvenir. Alors oui, ça, croyez-moi, ça agace vraiment, mais beaucoup beaucoup… Grave.

Dimanche 6 octobre : Comme d’habitude, avec mon fidèle ami Christian Farinacci (Séraphin pour les intimes), nous décidons de partir enfin reconnaître le dimanche matin, soit 2 jours avant le départ. Cependant, nous avions oublié que la Corse, c’est grand, et les routes longues, et de plus, nous avions donné rendez vous à First pour essayer l’auto, que je n’avais pas conduite depuis 2 ans, dimanche après-midi.
Malgré nos efforts, il était impossible pour nous de passer, même qu’une seule fois, dans toutes les spéciales. Nous avons donc renoncé à celles du sud et à celles de l’extrême nord et, contrairement à ce que certains s’imaginent (là encore, grosse erreur) ?? Non, je ne me promène pas sur ce genre de routes à 3 heures de mon domicile lorsque je m’ennuie et que j’ai rien à faire, et donc ce n’est pas vraiment, comme le disent certains journalistes, “mon jardin”. Mais je sais que pour d’autres pilotes par contre, effectivement, les routes du Cap Corse (Giraglia) et celles de la Castaniccia (La Porta) sont plus connues que celles de leurs domiciles. Il en est de même pour ceux qui ont commencé à limer les spéciales en passant, en moyenne, 10 fois dans chaque spéciale depuis le mois de juillet. Je ne leurs jette pas la pierre, et je les comprends; le Tour est long, difficile et piégeux. Moi, j’ai horreur de reconnaître, car je suis malade en voiture.
Par contre, j’ai ma botte secrète, et oui… ohhh ??!! je vous rassure, c’est un secret de polichinelle, puisque c’est tout simplement les notes d’un grand pilote professionnel (M. Loubet), et elles sont à la disposition de tous sur le site du rallye. Fallait y penser ??!!! mais je vous assure qu’avec ces notes, on va plus vite. Si si, essayez, vous verrez. En tous cas pour moi, ça marche… la preuve.
Nous essayons donc l’auto la veille du départ sous une pluie diluvienne et, en piètre metteur au point que je suis, je trouve que la voiture va bien. Rien de très particulier, si ce n’est qu’elle a une bonne tenue de route malgré que j’utilise des pneus Pirelli gomme dure D3, je crois. Nous prenons la décision de monter une nouvelle boîte de vitesses ZF (non pas à crabots, ou je sais pas trop quoi séquentielle à effet solaire..), non, une simple boite ZF, mais refaite à neuf.

Lundi 7 octobre : pendant que nous reconnaissons avec un passage, les spéciales des environs de L’Ile-Rousse, la voiture passe aux vérifications techniques, et rien de spécial à signaler.

Mardi 8 octobre : Jour du départ, à quelques heures du départ de nuit, nous n’avons toujours pas d’ampoules pour nos longues portées et donc, on n’y voit pas grand chose. Nous partirons finalement avec deux vieux Cibié vraiment historiques, à moitiés opaques, qui n’ont évidemment rien à voir avec certaines autos équipées de phares xénon qui m’éblouissaient dans mon dos sur le routier juste avant le départ de la spéciale. En parlant de routier, c’est en nous rendant au départ de la première spéciale que je comprends, en manipulant ma boîte de vitesses, que nous risquons d’avoir de gros problèmes, même si je me rassure, car Willy m’a dit que les synchro de la boîte demandent à être rodés et qu’au début, c’est un peu dur, mais qu’après, ça marche bien.
Nous prenons le départ. A priori, tout va bien sauf que, dès les premiers virages, la 2 et la 4 sautent toutes seules à l’accélération, et que la 1, la 3 et la 5 ne rentrent pas à la décélération. Je conduirai les deux spéciales d’une seule main, l’autre essayant de garder verrouillée la boîte avec le levier qui sautait même en ligne droite. Malgré tout, alors que les meilleurs sont déjà partis le couteau entre les dents, nous limitons les dégâts et terminons à une honorable 15ème place cette première étape. Pour couronner le tout, nous n’avons que 20 minutes pour changer la boîte sur le parking du Leclerc de L’Ile-Rousse, alors que les prochains soirs, le temps d’assistance sera de 3 heures pleines. Finalement, nous rejoignons le port et le parc fermé heureux d’être à la place où nous sommes.

Mercredi 9 octobre : nous quittons Ile-Rousse pour la première spéciale du matin sans grande conviction, car je pense que c’est une spéciale parfaite pour les Porsche et les R5 Turbo, avec beaucoup de montées et surtout, une très grande partie de route très large et d’enchaînements rapides. Difficile, avec une petite Ford et ses roues en 13″, de faire le poids contre autant de cavalerie. A l’arrivée, nous sommes surpris par notre temps, à seulement 8 secondes d’Andruet et à 1 seconde de Valiccioni. En effet, je m’attendais à faire un temps médiocre, car mon auto, que j’avais trouvée performante aux essais sous la pluie, ne l’est plus du tout sur le sec. Elle est trop souple à l’arrière et le transfert de masse à l’accélération dans les virages me font perdre l’avant, et la voiture sous-vire énormément. Bref, j’ai un set-up parfait pour la pluie, mais trop souple pour le sec, au point que mes amortisseurs arrières (“de WRC”… ironie…) pompent trop et surchauffent. A mi-spéciale, l’auto devient très difficile à conduire. Mais la grande surprise vient du temps scratch du père Toedtli avec sa petite Ford Escort Mk1. Tiens, un premier indice qui laisserait à penser que finalement, les petites Ford qui faisaient rire tout le monde, auraient leur mot à dire dans ce rallye ? et surtout finalement, que la Ford de François Padrona n’est ni plus ni moins la même, avec des performances égales à celles des Suisses Toedtli, père et fils.

Nous continuons notre chemin jusqu’à la seconde spéciale du jour, la première dans le Cap Corse, avec beaucoup d’appréhension, car nous n’avons jamais mis les pieds de notre vie à Canari. Nous ne savons même pas où se trouve l’embranchement de la spéciale. Finalement, je découvrirai, au bout de quelques kilomètres après un embranchement, que je reconnais la fameuse spéciale en descente sur le pont de Luri. Mais dès le départ, j’ai l’impression de ne pas bien sentir la route, presque au point de me demander si nous n’avons pas un problème sur le train avant, à moins que ce ne soient les nouveaux pneus Pirelli gomme médium D5 que nous venons d’installer sur l’auto avant la spéciale, qui me donnent cette sensation ? En tous cas, je comprend de suite qu’il y a un problème d’adhérence, et qu’au vu de la route, cela vient certainement des premières pluies sur le gasoil et l’huile laissés par la fréquentation de la saison touristique qui s’achève. Il s’agit donc d’être prudent, surtout de ne pas prendre de risques inutiles. Après quelques kilomètres, finalement, la voiture a un comportement correct, même si elle sous-vire beaucoup. Je compense avec le frein à main, y compris en 4 ou en 5, et à tel point que dans la voiture avec Christian, nous rigolons beaucoup après chaque travers d’anthologie qui nous semblent parfois interminables. A la fin de la spéciale, nous arrivons au point stop pratiquement en même temps qu’un enfant du pays, Cordoléani, ce qui signifie normalement que nous avons réalisé un bon temps. Finalement, c’est la charmante Biche, sur le bord de la nationale, qui nous confirmera que nous avons fait le scratch et que nous sommes en tête du rallye. Nous collons presque une minute à tous les Bastiais qui sont entrés dans la légende en étant surnommés les rois du Cap Corse. L’explication est simple : nous avions la meilleure auto avec le meilleur set-up pour les conditions de cette spéciale, une explication aussi logique et simple que pourrait comprendre un enfant de 4ème en cours de technologie. Rien, en tous cas, de miraculeux. First n’ayant pas assez compensé par les ressort, la surpression des lames, ma voiture se trouve donc définitivement trop souple à l’arrière, et nous n’avons pas de ressort plus fort.
Pour les spéciales suivantes, et malgré notre méconnaissance du terrain, nous continuerons à attaquer, la victoire scratch dans l’ES précédente nous ayant certainement donné confiance, malgré les imperfections de notre auto sur terrain sec.
Nous réussissons à rejoindre Saint-Florent en gardant la tête, malgré la belle remontée de Jean-Marc Manzagol avec sa grosse R5 Turbo groupe B, qu’il conduisait comme Marc Valliccioni, dans leur jardin. Je rappelle à ceux qui l’ignorent, que je suis originaire de la région de Vico, au nord d’Ajaccio, et que je travaille à Ajaccio, à environ 3 heures de route de ces spéciales, un peu comme si on disait d’un Niçois qu’il est dans les Cévennes comme dans son jardin… ça ferait sourire, je pense.

Jeudi 10 octobre : mauvais réveil pour nous dans la première spéciale, que nous connaissons un peu pour l’avoir faite il y a 3 ans, mais trop bosselée, et nous n’avons plus de suspension arrière après seulement 5 ou 6 kilomètres. Sur d’énormes problèmes de sous-virage, mon ami Joseph Lanfranchi me conseille d’abaisser un peu l’avant de l’auto pour essayer de diminuer le phénomène de sous-virage, mais nous savons que quelque chose ne va pas sur l’auto, car une Escort, ça survire, mais ça ne sous-vire jamais. Bref, nous finissons quand même par nous maintenir dans les meilleurs temps, et particulièrement dans la spéciale de La Porta, où Manzagol fils ne nous devance que de 6 secondes sur 14 km alors qu’il est, lui, véritablement dans son jardin, je dirais même dans son salon.
Dans Castifao, nous réalisons le second temps, à nouveau derrière Manzagol fils, et réussissons à nous maintenir en tête du rallye jusqu’à la fin de cette journée à Porto.

Vendredi 11 octobre : Enfin une journée qui commence bien, ne serait-ce que parce que nous savons que nous sommes enfin en route vers le sud de la Corse. Mais avant de se rapprocher des 2 seules spéciales que je peux qualifier de ma région, il faut essayer de ne pas faire de bêtise dans les 2 premières du matin. La météo était incertaine et, en se levant le matin, on constate que la route côté occidental de l’île, est totalement détrempée. Nous quittons le parc fermé de Porto pour rejoindre notre assistance qui se trouve à Evisa. Et c’est là que vous allez enfin comprendre la raison pour laquelle ma voiture apparaît avec des portes différentes sur les photos. En effet, entre Porto et Evisa, avec l’humidité de la nuit et la pluie, notre auto étant comme je l’ai dit plus haut, dépourvue de chauffage et de ventilation et pas très étanche, récupère toute l’humidité de la route. Je constate sur le routier que mon pare brise se rempli de buée; je roule même avec la porte ouverte, car dans la voiture, il fait très chaud et nous n’avons que ces toutes petites ouvertures à glissières sur nos vitres latérales en plastique de WRC pour ventiler l’habitacle, ce qui est insuffisant, car nous n’avons pas de pare brise chauffant, comme dans une voiture moderne, ou de système puissant de ventilation électrique. De plus, mon cher copilote ne connaissant pas sa force, ou tellement pressé d’arriver premier à Porto, a arraché tout le système de tringle de la portière et l’a laissé tomber à l’arrivée de la spéciale de Notre Dame de la Serra, au pont du Fangu. La météo annonçant de fortes pluies sur Propriano, et pour le lendemain, je donne donc l’ordre à Willy de descendre récupérer, sur la Ford Groupe 1 de mon père garée dans mon garage à Ajaccio, les deux portes complètes qui nous permettrons de retrouver des vitres qui descendent totalement au cas ou nous aurions de la buée sur le pare-brise, et surtout pour que mon copilote puisse sortir tout seul de la voiture sans mon aide, ou l’aide d’un tiers, car avec les petites fenêtres en plastique, je mets quiconque au défi d’ouvrir une porte de l’intérieur en passant son bras à l’extérieur.
Nous voilà parti d’Evisa, pensant trouver une route humide de l’autre côté du Col de Vergio. C’est donc avec des pneus pluies W5 que nous nous apprêtons à affronter cette première spéciale de la journée. Mais arrivés au Col de Vergio, nous réalisons que nous avons oublié de prendre la roue de secours. Nous voilà repartis en sens inverse en direction de d’Evisa à fond les ballons, en croisant tous les autres concurrent en sens inverse, qui se demandent où on va, en espérant pouvoir rattraper notre assistance qui a déjà plié bagage. Une belle frayeur, car nous ne pouvions pas nous permettre d’abandonner sur une simple crevaison. Nous rattrapons notre assistance, chargeons la roue de secours en vrac, et repartons à fond pour prendre le départ à Calacuccia. Nous arriverons juste pour pointer. Malheureusement en pneus pluies sur une spéciale totalement sèche et ensoleillée, nous réussissons à limiter les dégâts en réalisant le 6ème temps.
Nous changeons les pneus pour la spéciale de Ghisoni, elle aussi tout en montée, bien mieux adaptée aux Porsche et à leurs 300 à 320cv, et réalisons quand même une seconde place, à seulement 8 secondes de Jean-Claude sur 30 km.
Dans les spéciales du sud, Acqua Doria et Martini, malgré notre connaissance du terrain, nous ne réalisons pas des temps exceptionnels, l’auto n’étant vraiment pas facile à conduire sur le sec.

Enfin, nous arrivons malgré tout en tête à Propriano, et c’est là, à l’assistance, sur le bord de la route, sans aucune arrière pensée et à la vue de tous, que nous changeons les portes venues d’Ajaccio. Ainsi, nous réglons nos deux problèmes de buée et d’ouverture en 10 minutes.
Alors je vous le demande : depuis quand est-il interdit de changer une portière en rallye ? Je pose aussi la question de savoir quel intérêt j’aurais à changer des portes légères sans mécanisme et sans vitre, pour mettre des portes d’origine et plus lourdes ? Pourquoi j’aurais changé de voiture à Propriano et pas ailleurs, et dans quel but ? Et en imaginant que je change de voiture, tant qu’à faire, puisqu’il faut seulement 10 minutes, j’aurais changé les portes aussi, je ne suis pas non plus le dernier des idiots.

Samedi 12 octobre : Nous quittons donc Propriano pour une spéciale une nouvelle fois parfaitement adaptée aux Porsche, car tout en montée et très rapides, une spéciale que je connais un peu puisque je l’ai faite en 2008 en Championnat du Monde au volant d’une Subaru WRC. Heureusement que nous avons changé les portes, puisque dès le début de la spéciale, la buée apparaît sur mon pare-brise et nous pouvons ventiler l’habitacle. Encore une fois et malgré des portes plus lourdes, nous réalisons le meilleur temps en reléguant le second à presque 25 secondes, et certaines grosses Porsche à plus d’une minute. Je comprends que cela puisse en traumatiser certains.
Comme si cela ne suffisait pas, dans la spéciale suivante du Col de Bavella, et toujours avec les fameuses portes de la polémique, nous réalisons à nouveau le meilleur temps en reléguant une nouvelle fois le second à 20 secondes, et les rois du désert et du safari avec leurs Porsche, à 2 minutes. Comme est venu me le dire gentiment Frank Cuningham avec un humour typiquement British : “now it’s to much, you embarrass us”.
Nous prenons le départ du dernier gros morceau avec l’avant-dernière spéciale. Bien-sûr, quand on arrive jusque là après une telle épopée, tout le monde angoisse et sert les doigts en espérant arriver au bout, mais quand on est en tête, l’angoisse de la panne ou de l’accident augmente légèrement. Je pense à l’abandon de Philippe Gache au dernier Rallye du Maroc, qui casse sont arbre de transmission à quelques kilomètre de l’arrivée et du bonheur.
5 kilomètres après le départ de la spéciale, le levier de vitesses me reste à la main. Il ne me reste plus qu’un petit bout de levier d’environ 5 centimètres pour manipuler la boîte ZF, et la 2 ne rentre plus. Mes gants finirons par se déchirer, mais nous sauvons une nouvelle fois les meubles et notre poursuivant nous reprend seulement 30 secondes.

Dans la dernière spéciale, nous réussissons, avec du scotch, à fixer une attelle à notre bout de levier de vitesses, et nous finissons la spéciale à la 3eme place, même si, dans un excès de joie et dans le dernier virage de l’arrivée, je me suis un peu appuyé à un pont.
Ahhh !! j’oubliais de vous dire que mes amis Dumè Savignoni et Charles Zucarelli, qui m’ont suivi pendant près de 3 jours avec leur Porsche bleue, puis qu’ils partaient derrière moi, m’ont surnommé David Copperfield, tout simplement parce qu’ils ont eu le cul de mon Escort tout au long du rallye et, comme dit Dumè, sur le ton de l’humour Corse cette fois-ci : “à force de l’avoir devant mes yeux, je la connais par coeur dans les moindres détails; si tu l’a changée pendant le rallye sous mon nez et que j’ai rien vu, alors tu es aussi fort que Copperfield et tu peux faire des spectacles à Las Vegas”.

Peut-être qu’après ces explications, le même ira décortiquer des photos pour prouver qu’en fait, ce n’était pas moi au volant de la Ford, mais Sébastien Loeb déguisé en François PADRONA… en matière de connerie, il faut s’attendre à tout !!

Voilà, en espérant ne pas avoir été trop long, j’ai essayé de relater le plus précisément possible la belle aventure que nous avons vécu, avec mon copilote et mon équipe, grâce à toute l’équipe du Tour de Corse qui, avec talent, nous offre la chance de pouvoir exercer notre passion dans les meilleurs conditions. Cette victoire, comme la première, je ne pense pas l’avoir volée. La victoire est belle, mais elle n’est pas importante. Avoir la chance de participer jusqu’au bout à un tel évènement et vivre sa passion est déjà une belle victoire. Pour le reste, l’indifférence est la meilleure réponse. D’autres épreuves à venir viendront définitivement achever le moral de ceux qui s’efforcent à salir le bonheur des autres pour mieux cacher leur médiocrité. Et même si les Alpine et les R5 Turbo ont des boîtes à crabot Sadev, même si les Porsche ont des 3,6 litre de cylindrée, 350cv et des couple de WRC, même si les R5 Turbo ont des 1’600 cc au lieu des 1’300 cc et tournent la vis de leur turbo pour avoir 320cv, même si certains essaieront de mettre un moteur de fusée dans leur 4L, il n’en demeure pas moins qu’il faudra toujours tourner, et savoir tourner le volant.

Pour la suite rendez vous au Maroc…

Merci
F. PADRONA

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